Des nouvelles du pépère à vélo et de sa blonde/maîtresse – 10 mai 2015

Donner une chance

Depuis janvier, nous sommes une infime partie d’un projet étonnant.  Chaque jeudi après-midi, nous nous pointons dans une ancienne cabane de parc, tout près du marché dans Hochelaga-Maisonneuve, afin de passer quelques heures avec des enfants et les accompagner dans leurs apprentissages scolaires. 

Cet endroit n’est désormais plus une cabane de parc.  Dans l’une des salles, il y a des violons, dans une autre des batteries, dans une autre encore des claviers ou des instruments à vent.  La salle du fond est plus grande; elle permet à plusieurs personnes de jouer ensemble, de créer un petit orchestre.  Cet édifice n’a plus l’air vieux, il a été rénové.  Il déborde d’enfants, de travailleurs sociaux, de psychoéducateurs, de professeurs de musique et de bénévoles accompagnateurs scolaires.  C’est le Garage à musique (GAM: quel acronyme fantastique!) qui relève de la Fondation du Docteur Julien:  http://www.fondationdrjulien.org/la-pédiatrie-sociale-en-communauté/alliance-droit-santé/le-garage-à-musique.aspx.

Ici, on n’est pas dans « Ho-Ma », qui voudrait bien devenir « tendance »!  On est dans « Hochelag ».  La vie y est difficile et pour plusieurs des parents et enfants que nous côtoyons, elle a été difficile depuis plusieurs générations. 

L’une des inspirations du GAM est l’approche du Système national d’orchestre pour les enfants et les jeunes du Venezuela (Il Sistema):

En 1975, le maestro José Antonio Abreu lançait l’orchestre symphonique national des jeunes au Venezuela. Il instaurait en même temps un mouvement social, en démocratisant l’enseignement de la musique et en mettant l’accent sur la pratique collective dans les milieux défavorisés. Ce modèle a été rapidement étendu à travers tout le pays pour devenir le Système national d’orchestre pour les enfants et les jeunes du Venezuela(1).  L’enfant musicien accroît sa propre estime de soi, crée un mode d’expression pacifique, manifeste de la discipline, de la concentration, de la persévérance, de la créativité, mais surtout, il développe de la motricité fine et affiche le niveau de ses ambitions. La pratique collective de la musique valorise chez l’enfant la sociabilité, l’esprit d’équipe, le leadership, la générosité et l’harmonie. Toutes ses qualités le soutiennent dans son apprentissage scolaire et au cours des étapes de sa vie(2).

Heureusement pour l’humanité, mon implication ne touche pas la musique. Hahahahahahaha!

L’autre volet, au GAM, c’est l’accompagnement scolaire. Plus que de l’aide aux devoirs: parce que ça, il s’en fait déjà dans les écoles et ailleurs. L’idée, c’est de tisser des liens, d’établir une relation, de donner ou de redonner confiance, de faire voir et vivre des réussites, de tenter de toucher. Pendant une heure, tendre ou donner la main. Demander comment ça va. Prendre le pouls, deviner et décoder la mauvaise humeur, les frustrations accumulées, la fatigue, les colères, les difficultés. Souligner les progrès à gros traits. Être disponible. Les enfants qui viennent aux périodes d’accompagnement scolaire du GAM sont référés, dans le contexte de la pédiatrie sociale: ils arrivent avec une histoire et un profil. Nous, on s’inscrit dans ce mouvement collectif d’engagement, à notre toute petite échelle. Chaque semaine, durant l’année scolaire, beau temps, mauvais temps.

Notre petit rôle est de faire vivre de petites victoires en français et en mathématiques à des enfants pour qui ces sujets sont souvent source d’échecs.  La musique donne à ces jeunes l’envie de faire un peu confiance à des adultes.  La période d’accompagnement scolaire va dans le même sens. La porte donnant accès à leur monde n’est jamais grande ouverte.  On y pénètre à tout petits pas, en s’excusant presque d’être entré.  Bâtir une relation avec ces enfants relève du château de cartes: on doit y aller tout doucement et ne pas se décourager quand tout tombe.  On remet deux cartes ensemble et on recommence.

On se rend vite compte de la rigueur, du recul et de l’humilité nécessaires quand le château s’effondre. Parce qu’il tombe, éventuellement. D’une semaine à l’autre, on espère, on s’investit, on s’engage et on est parfois déçu. Frustré. Étonné. Perplexe.  

Prises de conscience: il y a des formes de bénévolat où l’on s’implique par plaisir. La satisfaction personnelle est égale ou supérieure au service rendu.  Ce que je fais pour Vues et Voix  entre dans cette catégorie. Je le fais pour moi et au final, pour l’organisme, c’est tant mieux.  Ce que nous faisons au GAM est d’un autre ordre. Mon propre besoin de réalisation n’importe plus face à l’enfant avec qui je m’assois. Je le prends comme il est et s’il vient. J’offre de la constance, de la patience, parfois des comment-faire.  Je propose de l’espoir. C’est volatil… Parfois ingrat.

Pour Marie et moi, les premiers moments du retour à la maison sont souvent silencieux: nous sommes très satisfaits et/ou très vides.  Les liens que nous tentons de construire sont encore si fragiles…  Malgré beaucoup d’efforts, il y a de ces après-midi sans magie et d’autres, au contraire, où eux et nous gagnons une coupe Stanley.  Mais peu importe comment une rencontre s’est passée, nous serons là le jeudi suivant et l’autre jeudi d’après.  En échange d’un sourire en coin et de yeux surpris, nous leur offrons la constance de notre présence du jeudi. 

On se donne une chance, eux et nous, de grandir autrement…

Yvan et Marie

  1. Fundación del Estado para el Sistema Nacional de las Orquestas Juveniles e Infantiles de Venezuela, (Fesnojiv)
  2. http://www.fondationdrjulien.org/la-pédiatrie-sociale-en-communauté/alliance-droit-santé/le-garage-à-musique/origines.aspx
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About Yvan Deslauriers

Je suis le Pépère à vélo. Avec Marie, ma blonde/maîtresse, nous sommes impliqués cette année, en 2019, au soutien de la recherche sur le cancer par l’entremise de la Fondation Myélome Canada et du financement de la Maison des greffés Lina Cyr. Cette implication se concrétise par la participation dans l’événement vélo pour Yvan et par la rédaction de ce blogue pour Marie et Yvan.
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2 Responses to Des nouvelles du pépère à vélo et de sa blonde/maîtresse – 10 mai 2015

  1. Avatar de Diane Lamarche bénévole du lundi Diane Lamarche bénévole du lundi dit :

    Suite à notre rencontre jeudi très stimulante, cette lettre m’encourage grandement à poursuivre .
    Merci
    Diane

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