Donner courageusement son opinion
Il y a trois ans, nous avons pris position à plusieurs reprises, dans ce blogue, lors du « printemps érable ». Les gens aux Québec n’aiment pas les conflits, c’est connu… On préfère s’en éloigner, ne pas en parler. J’entends certains de vos commentaires désapprobateurs, amis lecteurs!…
Mais ne pas donner notre opinion, parents de deux jeunes adultes, nous apparaissait faire preuve d’aveuglement.
Nous espérons, cette année, ne pas écrire souvent ce type de billet…
Il y a trois ans, j’étais un carré rouge. Je croyais et je crois encore que la gratuité scolaire jusqu’à l’université est une façon d’aider des gens à sortir d’un environnement de pauvreté et de contribuer de façon significative à l’essor de la société. J’ai participé à quelques marches et j’ai tapé sur ma casserole… pacifiquement.
Aujourd’hui, la contestation étudiante a repris. Les sujets de mécontentement sont nombreux, au point où une solution à l’impasse n’est pas évidente. Dans la forme actuelle, je n’y serai pas. Je ne sais pas si j’y serai… Je réfléchis encore. Je ne comprends pas cette insistance à contrevenir aux règles établies pour faire avancer ses idées. Je crois au pouvoir de la masse étudiante pour nous faire réfléchir, nous forcer à considérer des points de vue différents. Nos décisions de société seront leur réalité. Nous les avons élevés pour qu’ils prennent position. Nous devons les écouter, mais…
- Je ne crois pas à cette attitude de confrontation qui fait qu’une majorité des manifestations tournent au grabuge;
- Je crois que, depuis le début de ces manifestations et même dans le bras-de-fer mené en 2012, nous avons eu droit à plusieurs formes de brutalité, qui donnent généralement le mauvais rôle aux étudiants, notamment, une certaine forme de brutalité médiatique. J’ai des frissons à la lecture de certains commentaires haineux et grossiers provenant de gens qui se croient tout permis seuls devant leur ordinateur. Les oreilles me frisent quand j’entends la hargne de certains animateurs de radio d’opinion ou encore la recommandation de François Blais, nouveau ministre de l’éducation, encourageant à expulser deux ou trois étudiants par jour, pour donner l’exemple et une leçon;
- Je ne crois pas au saccage des lieux, à l’intimidation causée par des gens masquant leur visage;
- Moi non plus. Je ne cautionne ni n’approuve la violence. Mais je comprends que, sous les menaces d’injonctions et dans le contexte de « judiciarisation », où ils risquent d’être accusés et expulsés, certains jeunes ne veuillent pas être reconnus et se masquent;
- Je ne crois pas à cette utilisation de la démocratie pour forcer tous les gens à marcher du même pas, je pense dans ce cas aux événements récents au Cegep du Vieux-Montréal;
- Je crois que nous ne comprenons pas les règles du jeu et la conception de la démocratie que plusieurs jeunes prônent et mettent de l’avant: ils parlent de démocratie plus directe, s’opposant à ce que nous faisons avec « notre » définition de la démocratie, c’est-à-dire voter aux quatre ans, quand et si on daigne se déplacer pour le faire, et élire des représentants qui nous déçoivent de plus en plus lorsqu’ils accèdent au pouvoir. Des jeunes dénoncent parce que nous les décevons. Je concède qu’ils aient été maladroits dans certains gestes et même brouillons dans l’application de leurs règles de vote en assemblées générales, mais je ne comprends pas l’acharnement face à la longueur de celles-ci: TOUTES les assemblées syndicales auxquelles j’ai assisté étaient interminables. C’est le propre de ce type de palabre et de fonctionnement, du processus démocratique même. Par contre, je crois que le droit de votre devrait pouvoir s’exercer librement et secrètement, pour éviter toute forme d’intimidation ou autres excès;
- Je n’aime pas la façon de faire des forces policières qui donne l’impression d’avoir à contrer à des ennemis sans scrupules et qui utilisent des méthodes de répression démesurées;
- Moi non plus. Ni le recours à la force brute de certains factions policières, ni l’embauche de gardes de sécurité armés par l’université, dans l’université d’ailleurs, ni le climat que cela crée, avant même que les choses ne dégénèrent.
Ce qui me préoccupe le plus en ce moment est de ne pas voir qui aurait la sagesse et la force morale de rapprocher les gens. De part et d’autres, on se conforte dans des extrêmes.
Du côté gouvernemental, le ministre Blais tient une ligne dure qui semble plus provocante que conciliante et le premier ministre Couillard semble complètement absent. Stratégie? On souhaite que le mouvement s’essouffle? On mise sur l’opprobre populaire?
D’autre part, j’aimais la position de l’exécutif (maintenant démis) de l’ASSÉ, la semaine dernière, qui proposait un repli stratégique pour se joindre éventuellement aux actions syndicales à l’automne prochain. Cette approche fut rejetée, l’exécutif ayant démissionné.
Qui parle maintenant pour le mouvement étudiant?
J’aimerais qu’une personne comme Mme David, de Québec Solidaire, exerce son influence de part et d’autres pour trouver des chemins de solution. J’aimerais ensuite que la voix des étudiants (et d’autres adultes) prenne une autre forme, un parti politique peut-être, qui permettrait de donner un poids plus permanent à des idées différentes. Présentement, je ne me retrouve pas dans les partis actuels, sauf peut-être en Québec Solidaire, mais ce parti ne semble pas trouver la façon de devenir une force importante.
Dans un conflit, pour qu’une possibilité de solution émerge, il faut éviter que les parties impliquées ne perdent la face.
Pourquoi ne pas imaginer de nouvelles façons de donner courageusement son opinion?
Yvan et Marie