Changement d’altitude
C’est notre dernier billet sur le thème du changement dans ce marathon d’écriture: la semaine prochaine, ce sont certain.e.s d’entre vous qui écriront (!) et dans deux semaines, la dernière, nous écrirons sur le Défi-vélo de la Maison des greffés, qui se tiendra les 7 et 8 juillet.
Cette semaine, donc, nous nous sommes donné le défi de parler d’un élément de changement qui a influencé nos vies.
Pour ma part, mon coup de cœur est un livre lu récemment à Vues et voix : Changer d’altitude de Bertrand Piccard. Quand j’ai aperçu ce livre dans ma cabine d’enregistrement, j’ai pensé tout de suite à de la psycho-pop. Mais l’auteur mérite qu’on s’y arrête : médecin et psychothérapeute, il a fait du deltaplane de compétition, le tour du monde en ballon et, dernièrement, il fut l’un des deux pilotes à entreprendre et réussir le tour du monde dans un avion mû uniquement par l’énergie solaire (Solar Impulse II).
Il compare les « turbulences » de la vie à son voyage en ballon. En montgolfière, seuls les vents ont un effet. On est entièrement dépendant de l’altitude où l’on se trouve. Si la direction du vent ne nous convient pas, on doit, pour changer, monter ou descendre, afin de trouver une autre couche d’air et que le vent nous amène dans la direction voulue :
Nous ne changerons jamais la direction des courants aériens ni celle des vents de la vie, mais nous pouvons à chaque instant changer d’altitude pour nous en libérer et trouver une meilleure trajectoire.[1]
Changer d’altitude implique « lâcher du lest » pour monter ou « réduire la masse d’air » dans le ballon pour descendre. En d’autres mots, Piccard suggère de laisser tomber des façons de faire ou de faire autrement. Dans les deux cas, on doit oser faire face à une nouvelle situation et prendre le risque d’y trouver des conditions meilleures pour nous :
Je ne vois pas comment nous pourrions être responsables de ce que l’existence nous fait subir. En revanche, nous sommes pleinement responsables de notre manière d’y réagir. [2]
Mes argumentations avec Marie viennent de prendre une tournure étonnante.
Euh… Quelles argumentations?!…
De mon côté, l’élément de changement qui m’est revenu en mémoire remonte à quelques années. En 2007, j’ai dû lâcher prise. Malade du travail, huit mois d’arrêt, « dans ma chambre », à réévaluer mes priorités, à réapprendre à donner au travail et au stress une autre place.
Après huit mois intenses, lors de ma première journée de retour au poste, j’assistais, ainsi que tous mes collègues, à une conférence du Dr Serge Marquis, *médecin spécialiste en santé communautaire et consultant dans le domaine de la santé mentale au travail, à l’Université de Montréal. Depuis plus de trente ans, Serge Marquis s’intéresse à la santé des organisations. Il a développé un intérêt tout particulier pour le stress, l’épuisement professionnel et la détresse psychologique dans l’espace de travail. Dans cette conférence, Serge Marquis nous apprend à poser un regard attentif sur nos vies pour retrouver du plaisir et du sens dans la vie de tous les jours.
Tout à fait à propos, pour un retour au travail! J’ai retenu une phrase de cette conférence: « Lâche le riz! » ou comment apprendre à lâcher prise…
Je vous raconte:
La viande de singe est très prisée, paraît-il, en Malaisie.
Les chasseurs de singes ont développé une technique exceptionnelle pour les piéger: ils pratiquent une ouverture dans une noix de coco (juste assez pour y faire passer une main de singe), la vident de son liquide, y déposent des grains de riz et attachent la noix de coco à un arbre. Le singe, attiré par le riz, met la main dans la noix de coco, saisit le riz, et ne peut alors plus retirer sa main. Il devient fou car il n’arrive pas à se libérer de la noix de coco. Or, il lui suffirait de lâcher le riz pour retirer sa main, échapper au chasseur et sauver sa vie…
Belle image pour illustrer le lâcher prise et le changement de posture. J’essaie (sans toutefois toujours réussir!) de me rappeler cette anecdote et de la mettre en pratique. Cette semaine encore, confrontée à une situation où la frustration a pris le dessus et m’a ramenée à une époque où mes exigences au travail me faisaient revenir sans cesse aux mêmes gestes inutiles et inefficaces, je me suis souvenue et me suis répétée cette phrase: « LÂCHE LE RIZ! ». Oui, on perd le riz. Mais on gagne le bonheur de vivre mieux!
Pour entendre la conférence de Serge Marquis, si vous avez une heure à investir, c’est par ici et ça en vaut la peine! Allez, c’est congé! Calez-vous bien confortablement et… lâchez prise!
*Texte de présentation de la conférence.
Yvan et Marie
[1] Changer d’altitude, Bertrand Piccard, Stock, page inconnue pour le moment.
[2] Idem, p. 28