Tradition oblige : peu de changement !
La vieille dame marche encore.
Malgré son âge. Elle marche pour faire une grimace à son âge. Trois très petits pas : gauche, droite, la canne, qui la rassure, et elle recommence, concentrée, craintive du moindre déséquilibre. Je vous ai déjà parlé, à quelques reprises, de la marche traditionnelle du Vendredi saint sur la plage de Wells, Maine, É.U. Elle a encore eu lieu, au rythme de la vieille dame.
Cette année, nous avons apporté une chaise pliante, qu’on porte en bandoulière. Quand son prochain pas, déjà hésitant, devient plus hésitant et que son souffle, déjà un peu court, devient encore plus court, nous arrêtons. Nous déplions la chaise et nous jasons. La dame semble apprécier, mais pas trop. La chaise est basse, telle une chaise de plage. S’y assoir et se relever, même avec de l’aide, est périlleux pour elle. Pour l’aider, nous utilisons judicieusement les principes de base de prévention des maux de dos. Et une fois qu’elle a retrouvé la position verticale, nous restons encore près d’elle quelques instants, le temps qu’elle se sente un peu plus solide sur ses jambes. Et elle repart, remettant la canne en avant, puis la jambe droite et puis la gauche. L’un de nous l’accompagne en lui offrant son bras.
Il y a de ces exploits inconnus de « petits pas ». Pas de banderole au départ, pas de foule excitée pour acclamer quiconque à l’arrivée, juste un très grand plaisir tranquille d’arriver au bout de presque 5 km et de célébrer en sirotant un café.
La vieille dame savoure aujourd’hui.
L’année prochaine ? On verra bien l’année prochaine…
Un pas après l’autre. Une année après l’autre.
Cette tradition pascale comporte quelque chose d’immensément réconfortant et rassurant : chaque année, depuis près d’une trentaine d’années, nous répétons les mêmes gestes, nous ajustant aux changements inévitables. Un restaurant fermé, l’ouverture d’une nouvelle boutique, les dommages d’une tempête hivernale, les avantages et les limites de la nouvelle maison, la présence et l’absence des enfants, le genou blessé de l’un ou la cheville blessée de l’autre…
Un pas après l’autre, une année après l’autre.
Ma mère se fait un plaisir de participer et de faire partie intégrante de cette tradition. Pendant que j’écris, les Canadiens disputent leur second match contre les Rangers, le macaroni au fromage du Vendredi saint cuit doucement au four et elle tricote activement une paire de bas.
D’ailleurs, elle vient de se lever, clopine jusqu’à moi et me demande ce que j’écris…
Joyeuses Pâques à vous tous !
J’en profite également pour souhaiter un Joyeux anniversaire à ma mère, Agnès, restée à Montréal, qui a 91 ans aujourd’hui!
Yvan et Marie
