Des nouvelles du Pépère à vélo et de sa blonde/maîtresse – 5 mars 2017

CHANGEMENT DE POSTURE

Depuis lundi, j’appréhende les réalités autrement. Généralement, je déambule, du haut de mes 5 pieds 7 pouces, je pousse les portes et j’accède comme je le veux, où et quand je veux, à des endroits variés et accessibles aux bipèdes.

Lundi midi, PAF. Arrêt sur image. Un enfant qui courait dans un corridor d’école a surgi devant moi inopinément.  J’ai voulu l’éviter et m’éviter de m’étaler.  Bref, ma cheville droite, déjà « tendinitée » et le talon qui y est attaché, déjà amoché par une épine de Lenoir, ont pris le coup.

C’est ici que j’ai commencé à m’improviser « aidant-naturel ».  Une partie du cerveau doit se mettre en mode « prévision » pour notre bien-aimée blessée.  Stationner très près des portes, trouver rapidement une chaise-roulante, soutenir au sens propre (pas vraiment élégamment) et figuré et ça ne faisait que commencer.  Durant les quelques jours de cet engagement, j’ai eu de nombreuses pensées pour ceux et celles qui occupent ces fonctions sur de très longues périodes.

Longue (ben oui) attente, hôpital, clinique, radiographies et médecin finalement rencontré.

Diagnostic: très vilaine entorse + arthrose.

Verdict: interdiction de mettre du poids sur la dite jambe jusqu’à vendredi (de toutes façons, je n’y serais pas arrivée, même si j’avais voulu le faire), prescription d’anti-inflammatoire pour 10 jours et traitements de physio à venir. 

Depuis lundi, donc, j’appréhende les réalités autrement. Fort heureusement, à l’hôpital et à la polyclinique, des fauteuils roulants sont mis à la disposition des patients. J’ai circulé dans les couloirs de l’urgence, à la salle d’attente, dans le bureau de l’accueil et au triage en position assise, la patte en l’air. Ouvrir une porte, la tenir et avancer deviennent des défis. Aller toute seule aux toilettes (quoiqu’adaptées) également. Atteindre le distributeur de papier essuie-mains implique une chorégraphie.  Les poussettes poussées par les mamans anxieuses et les marchettes manipulées par les vieilles dames inquiètes et malhabiles deviennent une menace pour le pied surélevé.

Les retours et les départs de la maison, ainsi que la distance à parcourir avec des béquilles entre le siège de la voiture et la porte d’entrée, incluant les quelques marches à franchir entre les deux: une épreuve digne de Fort Boyard. Que j’ai échouée, lamentablement. Je suis arrivée à me propulser sur une seule jambe, une fois rendue sur du planche. Mais monter? Descendre? Neunon.  Impossible.

Dieu a quand même été bon!  Il a fait beau et pas très froid en début de semaine.  J’ose à peine imaginer Marie rampant dans un escalier « slocheux ».

Il y a trois étages chez nous: je vous donne la permission de sourire en m’imaginant monter et descendre les escaliers sur les fesses, sans grâce ni dignité aucune, tentant de conserver ce qui me restait d’élégance et le peu de force physique que j’avais  pour me relever de la position assise sur une seule jambe et me déplacer à béquilles,  de la cuisine au salon et de la chambre aux toilettes.  Pas facile, je vous jure…

Presque tous les engagements de cette semaine furent annulés ou déplacés.  Mais le jeudi, c’est la journée consacrée à Vues & Voix: radio et lecture. On a fait tout ce qu’on pouvait pour y maintenir notre présence. Certains Jean-Coutu louent des fauteuils roulants, le saviez-vous? Dans les locaux de V&V, d’autres découvertes édifiantes et consternantes: la salle de toilette des dames, malgré ce qu’elle affiche crânement, n’est aucunement accessible aux personnes à mobilité réduite. Un dénivelé en bloque l’accès au départ. J’y suis entrée grâce à Yvan, qui m’a fait faire un « Willie » spectaculaire. Ensuite, non seulement le cabinet n’est pas assez large pour accueillir et faire tourner le dit fauteuil, mais pour sortir, il n’y a pas de mécanisme d’ouverture automatique de la porte, qui s’ouvre… de l’intérieur! Sans un bon samaritain qui fait le guet, la visite peut s’étirer longtemps…Attention, attendre devant la porte de la salle de bain des femmes peut avoir de drôles d’effets sur votre réputation !!! J’ai vraiment eu à expliquer, un peu hilare et surtout rouge, la raison de ma présence à cet endroit.

En soirée, le fauteuil est ressorti: visite culturelle cette fois et Dieu merci, la Place des Arts, son stationnement, ses installations et le personnel de la salle symphonique peuvent se vanter de pouvoir accueillir dignement les gens qui roulent à fauteuil.

Déjà, j’en parle  au passé: je clopine maintenant avec une canne, lentement mais sûrement,  les béquilles seront rangées et le fauteuil retournera bientôt à la pharmacie.  Ces quelques jours m’auront fait réaliser l’importance de l’équilibre et de la force musculaire qui me fait défaut.  Mais surtout, que le monde est fait pour les humains autonomes et sur deux pattes.  

Prise de conscience d’une forme d’injustice, pour toutes ces personnes qui roulent de façon permanente…et du besoin de mieux soutenir les gens qui leur viennent en aide.

Marie et Yvan

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About Yvan Deslauriers

Je suis le Pépère à vélo. Avec Marie, ma blonde/maîtresse, nous sommes impliqués cette année, en 2019, au soutien de la recherche sur le cancer par l’entremise de la Fondation Myélome Canada et du financement de la Maison des greffés Lina Cyr. Cette implication se concrétise par la participation dans l’événement vélo pour Yvan et par la rédaction de ce blogue pour Marie et Yvan.
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3 Responses to Des nouvelles du Pépère à vélo et de sa blonde/maîtresse – 5 mars 2017

  1. Avatar de Sabourin Martine Sabourin Martine dit :

    Chère Marie, tu as toute ma sympathie et je connais expérimentalement ce que tu as vécu. J’ai été opérée pour un implant de genou en novembre dernier et je commence tout juste à déambuler de façon autonome. Comme on se sent démunies, n’est-ce pas? Moi aussi j’ai souvent pensé aux gens dont c’est le quotidien de vivre avec le handicap d’une seule jambe ou pas du tout. Ils ont toute ma compassion…Bon dimanche!

  2. Avatar de profblain profblain dit :

    Chère Marie,
    L’expression consacrée « prompt rétablissement » est un couteau à double tranchant dans le cas de ce type de blessure. En effet, même si j’aimerais que tu sois sur pied rapidement (sans jeu de mots), il faut laisser le temps de guérir à ta cheville.

    Je te souhaite donc plutôt bon courage et laisse ton « Pèpère à vélo » s’occuper de toi.
    Je pense à toi, Sylvie

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