Entre Montréal et Mont-Tremblant
Jeudi dernier, nous roulions en voiture depuis quelques minutes en direction de Mont-Tremblant. Même à la retraite, on a parfois le goût de décrocher et de s’imprégner d’une autre réalité. Différence notable, ces escapades peuvent avoir lieu en milieu de semaine, dans une certaine nonchalance, celle des gens qui ont moins d’urgence. À la première chaîne de Radio-Canada, Patrick Masbourian parle avec l’un de ses chroniqueurs des circonstances entourant la création du disque Tension Attention de Daniel Lavoie. Il mentionne alors que l’une de ses collègues serait probablement irritée « du son nouvellement électronique des années ’80 ». Nous nous sommes amusés en allant faire un tour dans cette décennie.
Nous nous sommes amusés, parce que, « ces années-là » (vous pouvez chanter ces derniers mots!), pour nous, ça rappelle plein de souvenirs! Pourquoi bouder son plaisir?
Dans mon cas, c’est ma première décennie de vie adulte. Je vis dans l’Outaouais depuis deux ans. Nouvellement marié, mon épouse d’alors, Lyne, termine son bacc en communications. J’en profite pour faire une maîtrise en administration. Nous étions à un moment bien spécial où je commençais à organiser ma vie et où Lyne la rêvait encore. Tout était devant nous. D’ailleurs, lors de la triste soirée du référendum de 1980, René Lévesque dira: « Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire, à la prochaine fois ». Quelques années plus tard, en 1983, dans Tension Attention, Daniel Lavoie chantera Ils s’aiment; on sentait que ce pouvait être nous.
La Danse du smatte, c’est ce que j’avais choisi pour ouvrir la danse, lors de mon mariage, le premier, avec Roger! C’était en décembre ’79… Presque les années ’80. On s’était marié surtout pour se donner l’impression que nous étions devenus des adultes, après quelques années de « sortage » ensemble, une rupture douloureuse et une réconciliation. Ça aura duré, au final, un an et demi, ce premier mariage… Dur apprentissage et période trouble où la définition de soi a pris autant de place que l’intention de terminer mes études universitaires en enseignement à temps partiel, tout en travaillant en loisirs à temps plein. Long itinéraire parsemé d’errances! Qui a dit que la vie était une ligne droite?
Le temps a doucement et heureusement passé, mélange stimulant de travail, voyages, acquisitions, nouvelles rencontres. Puis, ce qui nous rendait heureux, ne le faisait plus. Nos rêves de vie s’étaient insidieusement éloignés au point de partir chacun de son côté. Pour moi ce fut aussi l’époque des bars, le Belmont, le Prince Arthur, et l’autre, sur St-Denis, dont j’oublie le nom, où nous (les filles) avions parfois l’impression d’être du pâté de foie dans une vitrine et où nous souhaitions illusoirement trouver quelqu’un de bien. Nuit Magique…
Pour moi, en 1986, ce sera le retour à Montréal. Michel Rivard lancera son album, Un trou dans les nuages, un signal pour regarder autrement. Montréal est une ville fantastique pour un jeune homme sans grandes contraintes matérielles, sauf peut-être celle de vivre chez sa mère. Cette « déficience » de ma nouvelle vie de célibataire sera corrigée quelques mois plus tard. Je partage alors ma vie entre le travail, le ski de fond ou la marche en montagne en randonnée de plusieurs jours et la vie culturelle, mais sans âme sœur.
Ma vie à moi s’est organisée autour du travail à l’école alternative Albatros. Faire la pédagogie autrement, toucher les enfants avec la littérature: mon rêve, comme dans Dead poets society. Temps, passion, implication s’y engouffrent. Le chant choral et la musique tiennent une grande place dans mon univers, de même que le cinéma, le théâtre et le vélo. Je commence à conduire, j’achète ma première Mazda, j’emménage avec ma soeur, d’abord rue Adam dans la maison des grands-parents puis rue Lafontaine au deuxième étage (avec mon ex au troisième et son ex au premier!!!). On s’entendait tous très bien! Vingt ans avant l’Auberge espagnole…
Au Festival des films du monde de 1989, un certain Guiseppe Tornatore présente en première mondiale Cinéma Paradiso. Ce film raconte l’histoire d’un homme mûr qui revient, après 30 ans, dans son village en Italie pour assister aux funérailles du projectionniste du cinéma Paradiso. Cet homme nous raconte son enfance à travers la vie entourant ce village et ce cinéma. En héritage, le projectionniste lui a offert une boîte où se trouvaient des retailles de pellicules: toutes les scènes de baisers qu’il avait dû couper pour ne pas contrevenir aux « bonnes manières » de l’époque.
À la sortie de ce film, les yeux bouffis, j’étais prêt à créer moi-même mes propres scènes de baisers… Mais celles-ci n’arriveront que l’année suivante quand débuteront les années 90.
Aaaaaooooohhhhhh!!! C’est le son que j’ai fait en lisant cette dernière ligne…
Yvan est arrivé dans ma vie en mars ’90, après un sérieux travail sur moi-même et une non moins sérieuse recherche de la « bonne personne » pour moi, qui avais une tendance à choisir les mauvaises. Le destin? Enfin? Qu’importe…
Qui a dit que la vie était une ligne droite?
Yvan et Marie