Presque comme une lettre à la poste…
Le billet de cette semaine s’inspire d’une chronique du philosophe Xavier Brouillette à l’émission Dessine-moi un dimanche, sur Ici Radio-Canada Première (pratiquement à la fin de l’émission, dans le segment « Duo philosophique : Sophismes, la satire politique et comme une lettre à la poste« , précisément à 9 min. 40 sec.). Désolé, je lui ai même volé son titre!
Aux quelques femmes importantes de ma vie (heureusement pour moi, il y en a eu peu / Bonjour Lyne!), j’ai écrit des lettres. Je parle ici de lettres écrites à la main sur du papier particulièrement choisi, envoyées dans le courrier régulier par lequel elles arrivaient dans une boîte aux lettres réelle, directement chez la destinatrice.
Peu habile dans les conversations téléphoniques, j’aimais bien cette façon presqu’archaïque de « dialoguer » avec la personne que je cherchais à séduire. Je m’assoyais à la table de cuisine, en pensant à ma lectrice parcourant ma lettre. Quand serait-elle étonnée, amusée, émue? Je parlais de mon quotidien qui, je l’espérais, pourrait devenir « notre » quotidien. Il m’est arrivé de d’imaginer des situations où, par exemple, nous serions assis à une terrasse, sirotant paresseusement un vin rouge, s’abreuvant de la vue de l’autre. Évidemment, je tentais de jouer avec les mots et d’impressionner avec des tournures parfois longuement recherchées, tout en me dépêchant de mettre rapidement cette missive à la poste.
Il fallait attendre ensuite quelques jours pour que la lettre se rende, puis quelques jours encore pour qu’une réponse soit écrite et revienne. Il m’est arrivé de ne pas être capable d’attendre une réponse avant d’envoyer une autre lettre, soupçonnant alors la surprise de la destinataire de recevoir deux lettres de suite. Quand je croyais qu’il était temps que je reçoive quelque chose, mes retours à la maison, en fin de journée devenaient presque frénétiques. Dès la boîte aux lettres ouvertes, je parcourais rapidement le courrier reçu en cherchant une enveloppe différente des autres. La trouvant, il m’est arrivé, s’il n’y avait personne autour, de l’ouvrir sur le champ et de la parcourir une première fois avant de la relire plus lentement une fois entré dans l’appartement. Et le « dialogue » se poursuivait.
Cette excitation de recevoir un message est tout aussi présente maintenant avec les courriels. Cependant, rares sont les courriels qui ont un contenu semblable à une lettre. On s’approche davantage de l’immédiat. De plus, à part le nom de l’envoyeur (le terme précis, c’est « internaute-expéditeur »!!!), rien ne distingue le courriel d’une personne aimée d’une banale publicité. La lettre, elle, pouvait se trouver dans une enveloppe très petite ou très grande, avoir une couleur (et parfois même une odeur) particulières. Et la calligraphie? J’aimais deviner l’humeur de ma correspondante à la manière dont elle avait écrit ses phrases. Il faut, aujourd’hui, utiliser la taille ou la forme des caractères gras ou italiques ou les petits bonhommes-sourires ou encore la couleur… (n’est-ce pas Marie?)
On dit des « émoticônes », pour les bonhommes-sourires! 🙂
Suis-je déjà un vieux nostalgique qui pense que ce qui se faisait jadis est tellement mieux que maintenant?
Mmmmmm… Tu ouvres ici une porte… Que je m’empresse de franchir! Xavier Brouillette et toi avez choisi une posture plutôt nostalgique que je ne partage pas trop. Pour moi, l’important, c’est d’écrire, quelle que soit la plateforme ou l’outil. Ce qui me préoccupe, c’est tout à la fois le message, sa profondeur, sa précision et son exactitude, dans le respect des normes de la langue, et pas du tout « ce avec quoi ou ce sur quoi » on le fait. S’il est vrai que je suis toujours émue lorsque je reçois des cartes de souhaits par la poste, ma déception est réelle quand je réalise que la carte provient d’un agent immobilier plutôt que d’un meilleur ami! L’émotion est aussi vive quand je lis le nom d’un(e) destinataire aimé(e), que ce soit sur l’enveloppe ou dans l’en-tête d’un courriel.
Les tournures de phrases et les mots évocateurs me touchent bien plus que le papier de qualité. Ce qui m’importe, c’est le temps pris pour ciseler un message, choisir et peser les mots qui toucheront l’autre. Ce qui m’apparaît essentiel, quand j’écris moi-même, c’est de relire, relire et relire encore, pour vérifier si les mots choisis sont les plus justes pour exprimer ou expliquer ce que je veux dire; relire encore, effacer, et trouver des mots qui conviennent encore mieux. Et pour procéder ainsi, le clavier et les fonctions du traitement de texte permettent tellement plus et mieux que la mine, la gomme et le papier…
La beauté des choses, maintenant, c’est la multiplicité des plateformes d’écriture, selon l’intention de départ…
Les courriels, pour la rapidité d’exécution, l’information rapidement partagée, les contenus essentiels exigeant explications ou détails;
Les messages-texte, pour l’immédiat, le plus rapide, le fonctionnel;
Les statuts FB, pour les états d’âme ou le besoin de partager quelque chose, rapidement;
Les gazouillis sur Twitter, pour le réseautage et le partage synthétisé;
Les billets de blogues, pour un partage plus longuement fignolé de réflexions ou d’expériences…
Et un accès de plus en plus grand pour chacun, autant scripteurs que lecteurs, qui, au bout du compte, peuvent encore et toujours décider de lire, ou non, tout ce qui est à leur portée…
Finalement, non, j’aime bien l’idée que mes réflexions fassent partie d’un blogue qui saura probablement transgresser le temps. Pourquoi ne pourrais-je pas trouver la façon d’écrire des lettres à la façon d’aujourd’hui?
Yvan et Marie