Parler de lectures…en s’inspirant de René Homier-Roy et de… Pierre Foglia
Ça fait quelques semaines que je pense à cette chronique. Une fois par semaine, à son émission du matin de Radio-Canada, René Homier-Roy parle d’un livre. Il raconte l’essence du livre mais il parle aussi de ses propres réactions face à celui-ci. La conseillère pédagogique en moi dirait qu’il donne son « appréciation » également. Mais je sens que cet ajout apporte peu au propos et qu’on s’engage dans des subtilités d’initiés …Je voudrais m’essayer d’une façon semblable avec mes lectures récentes. Et Foglia là-dedans? Est-ce que Marie embarquera dans le jeu? Honnêtement, le sujet m’intéresse et me passionne mais le temps me manque. HA! C’est la dernière fois que je serai dans le jus de la fin de l’année scolaire!!! De plus, je n’ai pas lu les livres proposés et je suis en pause de lecture pour le plaisir … Je me contente donc de faire mon travail de correctrice invisible cette semaine!
Autant j’aime les livres de poche durant l’été parce que je peux les traîner partout sans vraiment me soucier d’en prendre soin, autant le reste de l’année, j’aime bien un livre physiquement costaud, volumineux. Pendant quelques semaines, on peut presque littéralement entrer dans l’histoire.
PREMIÈRE ÉTAPE : PLAISIR DE LA DÉCOUVERTE…
Nous sommes au dernier salon du livre de Montréal. J’ai grand plaisir à circuler dans cette immense librairie. Sur une grande pile, un gros livre avec une page couverture qui ne me dit rien : une jeune dame en robe de mariée qui semble monter un cerf. Ni le titre, La fiancée américaine, ni le nom de l’auteur, Éric Dupont, ne me font réagir. Mais sur la page couverture est imprimé: « Un très grand bonheur de lecture » – Pierre Foglia.
Un peu plus tard, un peu plus loin, une autre pile de gros livres, mais ici, je suis en territoire connu. Le petit bonheur de réaliser qu’un auteur que j’aime, Ken Follett, a écrit le tome 2 d’un livre, le Siècle dont j’ai adoré le premier tome. Plaisir en perspective…
DEUXIÈME ÉTAPE : PLAISIR DE LA LECTURE…
La première chose qui frappe quand on feuillette La fiancée américaine c’est que c’est écrit très petit. Observation bizarre et pourtant, on dirait que chaque page de ce roman pourrait faire au moins une page et demie de celui de Follett. Puis, on entre dans l’histoire de la famille Lamontagne de Rivière-du-Loup, située au début de la première guerre. Chaque chapitre d’au moins cinquante pages (en petits caractères!) est une histoire en soi. J’ai dégusté ce livre par petites gorgées, passant d’une naissance tragique un soir de Noël de tempête à un concours d’hommes forts dans le nord des États-Unis. Puis d’une fin du monde inventée par des sœurs à la création d’un chemin de croix qui finira par avoir des répercussions aux États-Unis, en Italie et en Allemagne. Faisant ce parcours dans le temps et l’espace, on côtoie des personnages étonnants, complexes et attachants : Louis dit « le Cheval » Lamontagne, sa grand-mère Madeleine, qui meurt en 1933 mais qui reste avec les vivants plusieurs années jusqu’à ce qu’elle meure éventuellement pour de bon et Magdalena (plusieurs personnages principaux féminins s’appellent Madeleine), une grincheuse allemande de l’Est qui nous amènera à travers la deuxième guerre mondiale telle que vécue de l’intérieur de l’Europe. Tous les chemins mènent vraiment à Rome, vous verrez.
J’ai lu ce livre par touts petits moments comme en mangeant du sucre à la crème, le savourant presque les yeux fermés (il faut le faire… en lisant!!!) chaque chapitre. Puis en mettant le livre de côté et en y revenant quelques jours plus tard. J’ai voulu étirer la fin en ralentissant ma lecture mais le tourbillon de la conclusion nous fait tourner les pages rapidement malgré notre volonté. Et si je n’ai pas su piquer votre curiosité, peut-être que Foglia le fera (La Presse du 12 octobre 2012).
L’Hiver du monde de Ken Follett, tome 2 de sa trilogie Le siècle, c’est presque 1000 pages où l’on suit les enfants des personnages du premier tome (La chute des géants) vivre et mourir la deuxième guerre mondiale cette fois-ci. Celui-ci, je l’ai avalé goulûment, plutôt ennuyé lorsque des obligations (comme aller travailler!!!) m’empêchaient de me replonger dans les années ‘30 et ‘40. Que vous soyez en Allemagne, en Angleterre, en Russie ou aux États-Unis, la vie politique à cette époque avait des répercussions importantes sur le quotidien des gens. La démocratie, le socialisme, le fascisme ou le communisme étaient pour chacun espoir ou horreur, avenir ou destruction. Les Churchill, Roosevelt, Hitler et Staline, les leaders de l’époque, ont marqué au fer rouge l’histoire de leur pays. Qui peut s’en vanter aujourd’hui?
Pendant six ans en Europe, trois aux États-Unis et au Japon, la vie normale n’existait plus. Ce qui est pour moi aujourd’hui un roman était une réalité sans fin prévisible pour des millions de gens. La force de Follett est de nous présenter cette période au travers des yeux de gens qui auraient pu la vivre, dans les grands et petits événements. On s’identifie facilement à certains des personnages. Comment aurais-je vécu cette période? Si vous préférez pouvoir lire les trois tomes l’un après l’autre, votre attente achève. Le dernier segment de la trilogie est prévu pour la fin de … 2014!
CHUTE ET POST SCRIPTUM
Finalement, jeudi de cette semaine, Foglia, sans le savoir évidemment, parle du Pépère à vélo en croyant que c’est lui. Je me souhaite de vivre un jour cet événement:
« LE BONHEUR – Il y a quelques années, disons 15, quand je dépassais un vieux cycliste qui ahanait dans une côte, je le saluais poliment – bonjour monsieur – tout en me faisant toujours la même silencieuse promesse : quand je serai rendu là, je ne ferai plus de vélo. Du curling, du golf, du tricot, pas du vélo.
Je suis rendu là. Et même un peu plus loin (un peu plus bas ?) que ces vieux cyclistes qui ahanaient dans les côtes, au moins ils pédalaient, alors qu’on me voit souvent marcher quand la pente se fait trop raide ou trop étroite et qu’une auto s’impatiente derrière moi.
J’ai pourtant le même plaisir à pédaler qu’avant et, vous allez rire, le même sentiment « de performer », dans la mesure où toute performance est d’abord exultation.
À la question habituelle du douanier américain – où vous allez ? –, j’ai répondu Franklin, East Franklin et retour au Québec.
Et ça vous prendra combien de temps ?, m’a-t-il encore demandé.
Si mon anglais était moins rugueux, je crois bien que j’aurais osé une longue réponse du genre : cela prendra le temps de souffrir jusqu’en haut de la côte du lac Carmi, de prendre à gauche pour grimper encore vers ce plateau qu’on dirait du Limousin, cela prendra le temps que montent en moi ces petites bulles de bonheur qui m’éclateront une à une dans la tête, cela prendra le temps que ça prend pour être heureux, nom de dieu. » (La Presse +, section Actualité, p.11)
Yvan et Marie (derrière les mots cette semaine)