À vol de vélo (dimanche 3 avril)
Je roule… Ma blonde m’avait invité à aller à Baie-du-Febvre (près de Nicolet) pour observer les oies blanches et les bernaches. J’aurais pu y aller en emportant le vélo et rouler dans ce coin de campagne. J’avais le goût d’inaugurer ma saison « mobile » en roulant dans ma ville, poussière d’hiver et nids de poule compris. Pendant que je m’évente, vers Gouin, dans un décor urbain, qui deviendra bientôt un peu rural, Marie est avec ses sœurs, les châtelaines de Monsabré et leur mère, appelons-la la baronne des Jardins (ceux qui ne la connaissent pas ont maintenant une bonne idée de son nom de famille) à la rencontre des ces impressionnants oiseaux migrateurs.
Nous roulons… Sur la 20, en Mazda, entre filles. Julie conduit, Martine tousse, maman commente. Le paysage défile après le pont-tunnel, jusqu’à la sortie pour la route 255, direction Baie-du-Febvre. Le soleil est magnifique. La route 255 est tellement en ligne droite que Julie risque de s’endormir… Une chance qu’on est là pour la distraire! En chemin, on voit déjà plusieurs vols en forme de V, surtout des bernaches. C’est l’un des signes du printemps. On aime!
Je roule… J’arrive au coin d’Armand-Bombardier et du boulevard Gouin. La Rivière-des-Prairies se présente devant moi avec de grandes plaques de glaces qui flottent sur des espaces d’eau claire qui semblent prendre de plus en plus de place. Le vent arrive du nord-ouest, comme s’il voulait m’éloigner de la rivière. Il me pousse par petites bourrasques avec un fond de froidure. Le soleil est éclatant de lumière mais timide de chaleur. Je n’ai pas froid mais les joues me picotent un peu. Quand j’étais plus jeune, à ce temps-ci de l’année, j’emmenais mon frère Denis, appelé « Spare Ribs » à l’époque pour sa silhouette osseuse, à passer plusieurs minutes à « se lancer » une balle de baseball dans la rue. Les Expos commençaient leur saison, la neige n’avait pas totalement disparu de la rue Bordeaux, mais on pensait donner un coup de pouce au printemps en osant pratiquer une activité d’été.
Nous sommes arrivées à Baie-du-Febvre! On s’arrête d’abord à l’observatoire officiel.
Au bout du « tunnel d’observation», une espèce de cache, d’où l’on peut observer les milliers d’oies blanches sans qu’elles n’en soient trop conscientes. Fait pas mal plus froid que je ne l’avais prévu… Maman marche avec nous jusqu’au bout. Premier arrêt.
Je roule… À cet endroit, en direction de Repentigny vers l’est, le boulevard Gouin est une combinaison hétéroclite de maisons majestueuses, presque des minis-domaines, et de maisons délabrées. Il y a même un endroit où sont remisés des hydravions qui sortiront bientôt de leur hibernation. Un peu plus loin, deux commerces de crème glacée qui indiquent OUVERT (!!!). Le premier a la forme d’un château avec un petit parc adjacent. Nous y sommes souvent allés avec les garçons quand ils étaient petits. Le second est un peu en retrait de la rue. On y trouve une coupe glacée arrosée de sucre à la crème qui mérite de rouler plusieurs kilomètres.
Nous roulons doucement jusqu’au bout du chemin de terre, où on retrouve la tour d’observation. En bas, des milliers d’oies et de bernaches se nourrissent et piaillent à tue-tête. C’est assez assourdissant. Également, derrière nous, des chalets près du Lac St-Pierre, encore pris dans la neige qui fond et la boue. Il n’y a pas encore d’inondation, ce qui ne saurait tarder… Maman est restée dans la voiture, à cause des escaliers.
Je roule… Pas en faisant du sur-place dans un gymnase ou une piscine (j’ai participé à quelques séances d’aqua-vélo à ÉPIC), mais en accélérant vraiment en descendant une côte et en freinant vraiment à quelques feux rouges. Un autre signe du printemps dans mon enfance, était de se rendre à l’église « en souliers ». Après un hiver à se promener avec d’encombrantes et pesantes bottes, on marchait d’un pas léger en faisant des cracs-cracs à cause du gravier épandu qui n’avait pas encore été balayé des trottoirs.
Nous roulons à nouveau sur le chemin de terre. On s’arrête pour marcher un peu dans le champ. Julie et moi, on a mis nos bottes de caoutchouc et, par la même occasion, notre dignité de côté! Martine tente quelques pas, mais s’arrête rapidement. Elle a gardé sa dignité, mais raté l’opportunité de marcher allègrement et s’enfoncer légèrement dans la boue! On se rend jusqu’à une limite hypothétique, que nous fixons nous-mêmes, et que nous croyons raisonnable pour ne pas déranger les oies. Faut dire qu’elles arrivent d’un bien long voyage de plusieurs milliers de kilomètres en provenance des États-Unis… En attendant de repartir vers les Îles de la
Terre de Baffin dans le nord, pour convoler en justes noces, nidifier, pondre et élever le petit.
On les laisse donc se reposer, tout en admirant la beauté tranquille et majestueuse des vols soudains. Des moments magiques. Symbole de liberté.
Nos bottes sont dégueulasses!
Je roule… Jusqu’à Repentigny, avec un passage sur le pont Legardeur. La Rivière-des-Prairies se dirige paresseusement vers le fleuve. La glace y est presqu’absente. Le retour se fait par Notre-Dame. J’avais pensé dire bonjour au Capitaine et à la Castafiore mais ma chaîne fait des bruits bizarres. J’arrête plutôt à mon magasin de vélo où on fait les ajustements et le huilage nécessaire, avec une petite jasette sur ma randonnée.
Nous reprenons la route. Cette fois-ci, la 132, vers Nicolet (Bonjour, la police!), ensuite vers le pont Laviolette, pour prendre ensuite la route 138 et nous diriger vers… Pointe-du-Lac et… Baie-Jolie! Arrêt devenu maintenant « étape initiatique » au restaurant grec de Baie-Jolie! On savait que leur pizza était excellente. On confirme et on ajoute que la salade grecque et l’assiette pita valent aussi le détour. Il fait toujours soleil!
Le chemin du retour s’avère plus tranquille : tout le monde dort, sauf Julie, fort heureusement!
Je finis cette première virée de l’année contre un vent qui se fait plus insistant. Je roule vers une douche bien chaude, vos messages en réaction à notre dernière chronique… et un verre de rouge…à la bonne santé de tous!
Dans ma tête, Un trou dans les nuages, la chanson de Michel Rivard :
« Au village ils ont ri mais ils ne riront pas
Quand je m’envolerai… et qu’eux resteront là »
Yvan et Marie